Covid-19 et visioconférence devant les juridictions pénales : censure du Conseil constitutionnel

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15/01/2021
Pénal - Procédure pénale, Peines et droit pénitentiaire

Dans une décision, attendue, du 15 janvier 2021, le Conseil constitutionnel censure les dispositions prises dans la première période de l’état d’urgence sanitaire, permettant le recours à la visioconférence devant les juridictions pénales (autres que criminelles) sans accord des parties. 
Les dispositions dérogatoires permettant le recours à la visioconférence devant les juridictions pénales sans accord des parties « portent une atteinte aux droits de la défense que ne pouvait justifier le contexte sanitaire particulier résultant de l'épidémie de Covid-19 durant leur période d'application » juge le Conseil constitutionnel dans une décision du 15 janvier 2021.
 
Pour rappel, l’ordonnance du 25 mars 2020 portant adaptation de règles de procédure pénale (Ord. n° 2020-303, 25 mars 2020, JO 26 mars) prévoit à l’article 5 le recours « à un moyen de télécommunication audiovisuelle devant l'ensemble des juridictions pénales, autres que les juridictions criminelles, sans qu'il soit nécessaire de recueillir l'accord des parties » (Covid-19 : ce que prévoit l’ordonnance adaptant la procédure pénale, Actualités du droit, 25 mars 2020). L’ordonnance avait été vivement critiquée (Covid-19 : les professionnels vent debout contre l’ordonnance adaptant la procédure pénale, Actualités du droit, 8 avr. 2020).
 
Comme le soulève le Conseil constitutionnel, ces mesures permettaient de favoriser la continuité de l’activité des juridictions pénales et poursuivaient « l'objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé et contribuaient à la mise en œuvre du principe constitutionnel de continuité du fonctionnement de la justice ».
 
Le requérant critiquait ces dispositions en ce qu’elles permettaient à la chambre de l’instruction de statuer par visioconférence sur la prolongation d’une détention provisoire, et ce, « sans faculté d'opposition de la personne détenue, ce qui pourrait avoir pour effet de priver cette dernière, pendant plus d'une année, de la possibilité de comparaître physiquement devant son juge ».
 
Le Conseil note alors que le champ d’application de ces dispositions dérogatoires s’étendait à toutes les juridictions pénales sauf aux juridictions criminelles. Il était alors possible de statuer par visioconférence sur la prolongation d’une détention provisoire, « quelle que soit alors la durée pendant laquelle la personne a, le cas échéant, été privée de la possibilité de comparaître physiquement devant le juge appelé à statuer sur la détention provisoire ». Aussi, si le recours n’est qu’une faculté pour le juge, « les dispositions contestées ne soumettent son exercice à aucune condition légale ». Le dispositif n’est encadré « par aucun critère » regrettent les Sages.
 
Ces dispositions doivent donc être déclarées contraires à la Constitution. En effet, pour le Conseil constitutionnel, « eu égard à l'importance de la garantie qui peut s'attacher à la présentation physique de l'intéressé devant la juridiction pénale » et « en l'état des conditions dans lesquelles s'exerce le recours à ces moyens de télécommunication », ces mesures dérogatoires « portent une atteinte aux droits de la défense que ne pouvait justifier le contexte sanitaire particulier résultant de l'épidémie de Covid-19 durant leur période d'application ».
 
Précisons alors que ces dispositions déclarées contraires à la Constitution ne sont plus applicables (elles l'étaient pendant l'état d'urgence sanitaire déclaré par la loi du 23 mars 2020 et pendant un mois après la fin de celui-ci). Mais les mesures prises sur ce fondement, « ne peuvent être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité ».
 
En novembre dernier déjà, le Conseil d’État avait suspendu une ordonnance permettant la visioconférence devant les juridictions criminelles dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire (v. Justice pénale et visioconférence : ça coince, Actualités du droit, 27nov. 2020).
 
Source : Actualités du droit