La semaine du droit pénal général

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19/04/2021
Pénal - Droit pénal général

Présentation des dispositifs des arrêts publiés au Bulletin criminel de la Cour de cassation, en droit pénal général, la semaine du 12 avril 2021.
Récidive – Union européenne – casier judiciaire britannique
« Par ordonnance en date du 20 mars 2019, le juge d’instruction a renvoyé M. A... X... devant le tribunal correctionnel des chefs d’importation et détention de stupéfiants, participation à une association de malfaiteurs, importation en contrebande et détention de marchandises dangereuses pour la santé publique, faits commis de courant 2018 au 1er juin 2018 à Villeneuve-la-Garenne et au Bourget, en état de récidive légale.
Par jugement du 23 mai 2019, le tribunal correctionnel l’a déclaré coupable et l’a condamné à dix ans d’emprisonnement. Il a ordonné son maintien en détention et la confiscation des scellés.
Le prévenu et le ministère public ont interjeté appel de cette décision.
 
Pour retenir l’état de récidive du prévenu, l’arrêt relève qu’il ressort du casier judiciaire britannique de M. X... qu’il a été condamné le 1er octobre 2004 par le tribunal pour enfants de Oldham, pour des faits de possession de stupéfiants et de possession de substances contrôlées avec l’intention d’approvisionner, respectivement, à une peine de quatre mois et de douze mois d’emprisonnement, et qu’il a également été condamné par le tribunal de Manchester, le 27 juillet 2011, à une peine de huit ans d’emprisonnement pour fourniture de substances contrôlées.
Les juges ajoutent qu’en application des dispositions de l’article 132-23-1 du Code pénal, les condamnations pénales prononcées par les juridictions des Etats membres de l’Union Européenne sont prises en compte dans les mêmes conditions que les condamnations prononcées par les juridictions pénales françaises et produisent les mêmes effets.
En l’état de ces énonciations, la cour d’appel a fait l’exacte application des textes visés au moyen pour les motifs qui suivent.
En premier lieu, il résulte de l’article 127.6 de l’accord sur le retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord de l’Union européenne et de la Communauté européenne de l’énergie atomique que, sauf disposition contraire, pendant la période de transition, toute référence aux États membres dans le droit de l’Union applicable en vertu du paragraphe 1, y compris dans sa mise en œuvre et son application par les États membres, s’entend comme incluant le Royaume-Uni.
Ainsi, pour l’application de cet article, l’Union européenne incluait le Royaume-Uni au moment où la cour d’appel a rendu sa décision.
En second lieu, l’accord de retrait précité ne constitue pas une loi pénale nouvelle justifiant l’application de l’article 49 de la Charte des droits fondamentaux, selon lequel lorsque la loi prévoit une peine plus légère, celle-ci doit être appliquée.
Dès lors, constitue une condamnation prononcée par la juridiction pénale d’un Etat membre de l’Union européenne, et est prise en compte dans les mêmes conditions que les condamnations prononcées par les juridictions pénales françaises, en produisant les mêmes effets juridiques que ces condamnations, au sens de l’article 132-23-1 du Code pénal, celle prononcée par un pays qui faisait partie de l’Union européenne lors de ce prononcé, y compris lorsque ce pays a quitté cette Union depuis.
L’application du droit de l’Union dans la présente affaire s’imposant avec une telle évidence qu’elle ne laisse place à aucun doute raisonnable, il n’y a pas lieu de saisir la Cour de justice de l’Union européenne à titre préjudiciel, en interprétation de l’article 49 de la Charte des droits fondamentaux, en ce qu’il s’opposerait à l’application de l’article 127.6 de l’accord de retrait conclu le 31 janvier 2020 entre l’Union européenne et la Communauté européenne de l’énergie atomique et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du nord.
En conséquence, le moyen doit être écarté ».
Cass. crim., 14 avr. 2021, n° 20-82.529, P +I *

 
Responsabilité pénale – trouble psychique ou neuro-psychique – discernment
« Le 4 avril 2017 à 5 heures 35, des fonctionnaires de police du 11ème arrondissement de Paris sont intervenus au domicile de la famille P..., [...], à la suite d’un appel téléphonique avertissant que cette famille était victime d’une séquestration. Après avoir forcé la porte, les policiers ont interpellé M. H... Z... dans la pièce principale, en train de réciter des versets du Coran.
Dans le même temps, les policiers ont découvert le corps sans vie d’une femme, Mme J... X... née Y.... Les premiers éléments ont montré qu’elle était tombée du balcon d’un appartement situé dans l’immeuble contigu.
Une information judiciaire a été ouverte le 14 avril 2017 des chefs d’homicide volontaire et d’arrestation, enlèvement, détention ou séquestration avec absence de libération volontaire avant le septième jour.
Le 10 juillet 2017, M Z... a été mis en examen de ces chefs. Après la délivrance d’un réquisitoire supplétif, la circonstance que les faits ont été commis à raison de l’appartenance vraie ou supposée de la victime à une race ou une religion déterminée a été notifiée à l’intéressé.
Par ordonnance de transmission de pièces aux fins de saisine de la chambre de l’instruction, en date du 12 juillet 2019, les juges d’instruction, après avoir écarté la circonstance aggravante précitée, ont estimé qu’il existait contre M. Z..., d’une part, des charges suffisantes d’avoir commis les faits d’homicide volontaire et de séquestration qui lui étaient reprochés et d’autre part, des raisons plausibles d’appliquer le premier alinéa de l’article 122-1 du Code pénal.
Les parties civiles et le ministère public ont interjeté appel de cette ordonnance.
 
Pour déclarer irrecevables les appels formés par les parties civiles contre l’ordonnance de transmission de pièces, l’arrêt attaqué relève qu’aucune disposition du Code de procédure pénale ne prévoit que cette ordonnance, visée à l’article 706-120 du même Code, puisse faire l’objet d’un appel des parties civiles. 10. Les juges retiennent que la partie civile ne peut interjeter appel, sur le fondement de l’article 186, alinéa 2, du Code de procédure pénale, que des ordonnances de non-informer, de non-lieu, et des ordonnances faisant grief à ses intérêts civils.
Ils soulignent que l’ordonnance de transmission de pièces tend à la saisine de la chambre de l’instruction devant laquelle la partie civile peut faire valoir ses arguments ; que, si elle estime qu’il existe des charges suffisantes contre la personne mise en examen d’avoir commis les faits qui lui sont reprochés et que le premier alinéa de l’article 122-1 du Code pénal n’est pas applicable, la chambre de l’instruction ordonne le renvoi de la personne devant la juridiction de jugement compétente et qu’enfin l’article 706-125 du Code de procédure pénale dispose que dans l’arrêt de déclaration d’irresponsabilité pénale, la chambre de l’instruction, si la partie civile le demande, se prononce sur la responsabilité civile de la personne, conformément à l’article 414-3 du Code civil, et statue sur les demandes de dommages et intérêts.
La chambre de l’instruction conclut que cette ordonnance ne fait pas grief aux intérêts civils des parties.
En statuant ainsi, la chambre de l’instruction a justifié sa décision.
En effet, la partie civile, qui est appelée aux débats, peut exercer devant la chambre de l’instruction les droits qu’elle tire des articles 706-122 et suivants du Code de procédure pénale.
L’ordonnance de transmission de pièces n’est ni définitive ni attributive de compétence puisque la chambre de l’instruction peut, soit rendre un arrêt de non-lieu ou de renvoi devant le tribunal correctionnel ou la cour d’assises, soit rendre un arrêt d’irresponsabilité pénale.
Elle laisse ainsi intacts les droits de la partie civile et ne fait pas grief à ses intérêts.
Le moyen doit, en conséquence, être rejeté.
 
Pour dire qu’il existe des charges suffisantes contre M. Z... d’avoir arrêté, enlevé, détenu ou séquestré la famille P..., et donné la mort à Mme X..., l’arrêt énumère les éléments matériels réunis contre l’intéressé, constitués de ses déclarations, des constatations expertales et des différents témoignages recueillis.
Les juges retiennent également que les déclarations de M. Z..., disant qu’il s’était senti plus oppressé après avoir vu la torah et le chandelier, et qu’il pensait que le démon était Mme X..., jointes aux témoignages indiquant l’avoir entendu crier « Allah Akbar, c’est le sheitan, je vais la tuer », puis « j’ai tué le sheitan » et « j’ ai tué un démon », et aux constatations des experts selon lesquelles la connaissance du judaïsme de Mme X... a conduit la personne mise en examen à associer la victime au diable, et a joué un rôle déclencheur dans le déchaînement de violence contre celle-ci, constituent des charges suffisantes de commission des faits à raison de l’appartenance de la victime à la religion juive.
Pour dire que le discernement de la personne mise en examen était aboli au moment des faits, l’arrêt relève que le récit de M. Z..., corroboré par celui des membres de sa famille et de la famille P..., montre que ses troubles psychiques avaient commencé le 2 avril 2017, et ont culminé dans la nuit du 3 au 4 avril 2017, dans ce que les experts psychiatres ont décrit de manière unanime comme une bouffée délirante.
Les juges relèvent que seul le premier expert saisi a estimé qu’en dépit du caractère indiscutable du trouble mental aliénant, le discernement de M. Z... ne pouvait être considéré comme ayant été aboli, au sens de l’article 122-1, alinéa 1er, du Code pénal, du fait de la consommation volontaire et régulière de cannabis ; que le deuxième collège d’experts a estimé que la bouffée délirante s’est avérée inaugurale d’une psychose chronique, probablement schizophrénique et que ce trouble psychotique bref a aboli son discernement, que l’augmentation toute relative de la prise de cannabis s’est faite pour apaiser son angoisse et son insomnie, prodromes probables de son délire, ce qui n’a fait qu’aggraver le processus psychotique déjà amorcé ; que le troisième collège d’experts a estimé que le sujet a présenté une bouffée délirante caractérisée d’origine exotoxique orientant plutôt classiquement vers une abolition du discernement au sens de l’article 122-1, alinéa 1er, du Code pénal, étant précisé qu’au moment des faits son libre arbitre était nul et qu’il n’avait jamais présenté de tels troubles antérieurement.
Les juges ajoutent que la circonstance que cette bouffée délirante soit d’origine exotoxique et due à la consommation régulière de cannabis, ne fait pas obstacle à ce que soit reconnue l’existence d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes, puisqu’aucun élément du dossier d’information n’indique que la consommation de cannabis par l’intéressé ait été effectuée avec la conscience que cet usage de stupéfiants puisse entraîner une telle manifestation.
Ils concluent qu’il n’existe donc pas de doute sur l’existence, chez M. Z..., au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes.
En l’état de ces énonciations, déduites de son appréciation souveraine des faits et des preuves, la chambre de l’instruction a, sans insuffisance ni contradiction, et en répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, exposé les motifs pour lesquels elle a déclaré, d’une part, qu’il existait à l’encontre de M. Z... des charges d’avoir commis les faits reprochés, d’autre part, qu’il était irresponsable pénalement en raison d’un trouble psychique ou neuro-psychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes au moment des faits.
En effet, les dispositions de l’article 122-1, alinéa 1er, du Code pénal, ne distinguent pas selon l’origine du trouble psychique ayant conduit à l’abolition de ce discernement.
Les moyens doivent, en conséquence, être rejetés ».
Cass. crim., 14 avr. 2021, n° 20-80.135, P+I *
 
 
*Le lien vers la référence documentaire sera actif à partir du 19 mai 2021.
 
 
Source : Actualités du droit