Contrat de travail conclu en période suspecte : conditions de la nullité

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07/01/2022
Affaires - Commercial

Dès lors qu’est caractérisé un déséquilibre notable entre les prestations des parties au contrat, l’employeur en liquidation judiciaire devant notamment verser les salaires jusqu’au terme du CDD même en cas d’arrêt de son activité lié à ses difficultés financières, la nullité du contrat de travail doit être prononcée.
En application de l’article L. 632-1, I, 2°, du code de commerce, est nul, lorsqu'il est intervenu depuis la date de cessation des paiements, tout contrat commutatif dans lequel les obligations du débiteur excèdent notablement celles de l'autre partie.
 
Ainsi, un contrat de travail peut être annulé de plein droit en présence d’un déséquilibre entre les prestations des deux parties, les juges appréciant de manière concrète ce déséquilibre.
 
Date de cessation des paiements
 
En l’espèce, Mme X… avait été embauchée en qualité de vendeuse par l'EURL Y…, dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée à temps partiel conclu pour la période du 11 au 23 septembre 2017 puis renouvelé jusqu'au 31 décembre 2017. En raison d'un accroissement d'activité de cette boulangerie, un nouveau contrat de travail avait été conclu pour une période de quatorze mois du 1er janvier 2018 au 10 mars 2019, le contrat spécifiant qu’il ne pouvait être rompu qu'en cas de faute grave, d'inaptitude de la salariée ou de force majeure, une liquidation judiciaire ne pouvant être assimilée à un tel cas.
 
Mais, alors que l’EURL Y… avait été placée en liquidation judiciaire le 19 juin 2018 et la date de cessation des paiements fixée au 1er octobre 2017, le liquidateur judiciaire avait prononcé la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée de Mme X… ; ayant contesté cette mesure devant le conseil de prud'hommes, l’intéressée avait été déboutée de l'intégralité de ses demandes par jugement du 17 octobre 2019.
 
Arguant du caractère injustifié de la rupture anticipée de son contrat de travail, Mme X… a formé appel du jugement, sollicitant le paiement d’une indemnité de précarité, d’une indemnité compensatrice de congés payés et des salaires qu'elle aurait dû percevoir jusqu'au terme du contrat ainsi que la garantie de ces créances par l’AGS.
 
Devant la cour d’appel, le liquidateur a, quant à lui, fait valoir que le contrat de travail était nul en ce qu'il avait été conclu au cours de la période suspecte et que l'engagement de l'entreprise excédait celui de la salariée, l’AGS demandant par ailleurs que sa garantie soit limitée et plafonnée.
 
Étendue de l’engagement de l’entreprise
 
En l'espèce, le contrat de travail de Mme X… pour la période du 1er janvier 2018 au 10 mars 2019 a été conclu après la date de cessation des paiements de l'EURL Y… fixée au 1er octobre 2017.
 
Ayant relevé :
— que l'état de cessation des paiements était bien avéré au 1er octobre 2017 dans la mesure où la situation financière de l'entreprise au 30 septembre 2017 était déjà déficitaire d'une somme de 10 603 euros,
— que le contrat de quatorze mois ne pouvait être rompu que dans trois hypothèses limitatives,
les juges du fond considèrent que ces éléments caractérisent un déséquilibre notable entre les prestations des parties au contrat, l'EURL Y… étant notamment contrainte de régler les salaires dus jusqu'à son terme même en cas d'arrêt de son activité liée à ses difficultés financières. La demande de nullité du contrat de travail formulée par le liquidateur judiciaire doit donc être accueillie.

Confirmant le jugement du conseil de prud'hommes, la cour d’appel conclut à la nullité du contrat de travail de Mme X…, cette dernière étant déboutée de ses demandes au titre de la prime de précarité, de l'indemnité compensatrice de congés payés ainsi qu'au titre des dommages-intérêts pour rupture abusive de son contrat.
 
Pour aller plus loin
Pour des développements complémentaires sur la nullité des contrats commutatifs déséquilibrés intervenus pendant la période suspecte, se reporter aux nos 3775 et s. de l’édition 2021 du Lamy droit commercial.

 
Source : Actualités du droit