COVID-19 ET CONTRATS : QUEL IMPACT ? 
Peut-on invoquer la force majeure pour ne pas exécuter un contrat en raison du coronavirus ? 

Classer l'article dans : Publications
-

Courant janvier 2020 a été révélée l’apparition d’un nouveau coronavirus dit « COVID-19 ».

Afin de ralentir la propagation du virus sur le territoire français, les rassemblements de plus de 5000 personnes en milieux clos ont par principe été interdits le 4 mars 2020 (faire un hyperlien vers Arrêté du 4 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus covid-19), puis les rassemblements de plus 1000 personnes en tous lieux le 9 mars (faire un hyperlien vers Arrêté du 9 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus covid-19) et finalement tout rassemblement, réunion ou activité mettant en présence de manière simultanée plus de 100 personnes en milieu clos ou ouvert, à compter du 13 mars (faire un hyperlien vers Arrêté du 13 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus covid-19).

Par arrêtés des 14 et 16 mars 2020 (faire un lien hypertexte vers Arrêté du 14 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus covid-19), il a été interdit aux établissements d’enseignements, aux débits de boissons, aux restaurants, aux établissements de vente au détail, aux bibliothèques, salles de spectacles, établissements sportifs etc. de recevoir du public, sauf pour l’exercice de certaines activités, telles que, sans que ces exemples ne soient exhaustifs, le commerce alimentaire, le commerce de produits pharmaceutiques ou d’optique, la vente de journaux, les activités financières ou d’assurance ou encore la réparation de véhicules et d’équipements de communication.

Enfin, le déplacement de toute personne hors de son domicile à l'exception de déplacements pour certains motifs (achats de produits de première nécessité, assistance à des personnes vulnérables, etc.) a été interdit par décret du 17 mars 2020 (Faire un hyperlien vers Décret n° 2020-260 du 16 mars 2020 portant réglementation des déplacements dans le cadre de la lutte contre la propagation du virus covid-19).

Ces mesures exceptionnelles ont entraîné la fermeture de nombre d’entreprises et ont, depuis leur adoption, un impact significatif sur l’exécution des contrats : annulations de commandes, livraisons non assurées ou refusées par le client, livraisons partielles ou tardives, non paiements de factures, services suspendus ou encore ruptures brutales de relations commerciales.

La crise sanitaire due au coronavirus COVID-19 et les dispositions prises pour la gérer peuvent-elles justifier qu’une partie manque à ses obligations contractuelles en invoquant la notion de force majeure ? 

Trois critères cumulatifs : extériorité, imprévisibilité, irrésistibilité


L’article 1218 alinéa 1er du Code civil prévoit que :

« Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu'un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l'exécution de son obligation par le débiteur. »

Autrement dit, dans le cadre de la crise sanitaire actuelle et des mesures exceptionnelles qui s’en sont suivies, il appartient à celui qui entend se prévaloir de la force majeure pour justifier son manquement contractuel (annulation de commande, non paiement, refus de livraison etc.) de prouver que :

- L’évènement invoqué n’est pas de son fait, qu’il n’est pour rien dans la survenue de l’évènement. 

Ce critère ne semble pas a priori poser de difficulté dans le cas de la présente crise sanitaire, sauf dans le cas extrême où le débiteur invoquerait la fermeture de son entreprise pour justifier la non livraison de produits, alors que cette fermeture est exclusivement due au fait que ses salariés sont pour la plupart en arrêt maladie pour avoir contracté le COVID-19 sur leur lieu de travail, en raison d’une absence de prise des mesures de protection nécessaires par l’employeur.
Attention néanmoins : l’évènement invoqué pour justifier le manquement contractuel ne pas non plus être le fait d’un tiers agissant pour le compte du débiteur (par exemple : un livreur sous-traitant).

- L’évènement invoqué n’était pas raisonnablement prévisible au moment de la conclusion du contrat.

Ainsi, une commande passée après le 16 mars ne saurait être annulée ensuite sur le fondement des interdictions résultant des dispositions réglementaires prises du 4 au 16 mars.
En revanche, la question se pose de savoir ce qu’il en est des contrats passés de janvier 2020, lorsque le virus a été découvert, au 3 mars 2020, avant les premières mesures prises en France… Bien que des mesures similaires de confinement eut été prises durant cette période dans d’autres pays, il paraît difficile de reprocher à une partie d’avoir contracté et ainsi de ne pas avoir anticipé l’ampleur de cette crise. Cela paraît en revanche moins évident pour les contrats conclus à partir du 4 mars.

- L’évènement et ses effets doivent être irrésistibles, c'est-à-dire inévitables et insurmontables.

Il faut que l’évènement empêche l’exécution de l’obligation contractuelle et que ses effets ne puisse pas être surmontés en prenant des « mesures particulières » et ce, même si ces mesures sont onéreuses. 
Ainsi, la force majeure ne pourra par exemple pas être invoquée en cas de défaillance du fournisseur du débiteur si celui-ci pouvait faire appel à un autre fournisseur, même à coût bien plus élevé.

Effet de la force majeure : Suspension voire extinction de l’obligation 

La possibilité d’invoquer la force majeure pour justifier une inexécution contractuelle n’implique pas nécessairement la résolution du contrat et l’extinction de l’obligation.

En effet, l’article 1218 alinéa 2 du Code civil prévoit que :

- si l'empêchement d’exécuter est temporaire, l'exécution de l'obligation est suspendue à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat ;

- si l'empêchement est définitif, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations. 

Attention toutefois aux empêchements partiels. Ainsi, un contrat pourra perdurer malgré l’impossibilité définitive d’exécuter l’une des obligations contractuelles, les autres restant exécutables, si l’ensemble contractuel reste cohérent sans l’obligation dont l’exécution est empêchée.

Exceptions contractuelles à la force majeure


Le contrat peut parfaitement prévoir des dérogations aux dispositions de l’article 1218 du Code civil et ainsi :

- stipuler que le débiteur prendra à sa charge les risques en cas de force majeure,
- ou délimiter les seuls cas de force majeure qui seront admis ou ceux qui en seront exclus

​​​​​​​
Par Adeline LACOSTE
Avril 2020